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La libre réflexion

8 février 2008

Liberté d'expression ?

"La dictature c'est ferme ta gueule, la démocratie c'est cause toujours". Et bien nous sommes en dictature (s'il y avait besoin de préciser...) En effet, M. Le Pen vient d'être condamné pour avoir dit que la vie sous l'occupation n'était pas si inhumaine. Voilà, c'est tout. Je serais historien je m'inquièterais; après tout, c'est une opinion concernant l'histoire, sans aucune injure ni incitation à la haine, sans la moindre once de racisme. Qu'on la partage ou non, là n'est pas le débat. Il s'agit d'une vision historique sans passion d'une période difficile. La liberté d'expression devrait y être totale puisqu'il n'a pas proférer d'injures.
En revanche, pas de délit d'opinion lorsqu'on chante l'internationale, hymne du communisme qui a fait la bagatelle de 300 millions de morts, et qui continue d'en faire...

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6 février 2008

Introduction à la philosophie

Commençons par contrer une idée reçue : la philosophie est d’essence scientifique. Et oui, bien que les gros coefficients en classe de terminale soient dans les sections littéraires, les premiers « philosophes » grecs étaient omniscients et plus portés vers la géométrie, les mathématiques et l’astronomie que vers la poésie. Prenez Thalès ou encore Pythagore... Et ce dernier, au VI siècle av J.C, refusa le nom de sage qu’on lui attribuait ; il se nommait donc philos sophos (ami de la sagesse en grec). C’est donc une erreur de croire que la philosophie est une matière uniquement littéraire, sujette à la subjectivité, au "ça dépend du correcteur" ou bien "à chacun son opinion". D’ailleurs, une partie de la philosophie, l’épistémologie, s’occupe des sciences (voir le programme). L’épistémologie réfléchit sur les théories, leurs critères de validité, sur l’histoire des idées … La philosophie se présente donc d'emblée comme un exercice rigoureux de la raison.

 Mais qu’est-ce que précisément la philosophie ? La réponse n’est pas simple. Les différentes pensées et systèmes de pensées au cours des siècles l’attestent. Mais on peut trouver quelques constantes qui aident à éclaircir ce qu’est la philosophie.
Pour Aristote Métaphysique, Livre A : "Tout homme désir connaître". Le philosophe s’étonne.  Il s’étonne des phénomènes, des problèmes, des mystères du monde qui l’entoure. Et ceci implique deux choses :

- Rien n’est simple ni évident. Le philosophe est celui qui cherche et découvre des paradoxes. Les opérations de la nature, les phénomènes de toutes sortes recèlent des mystères. Le « réel », le monde sensible (qui se donne à nos sens), le monde visible est source d’illusions ou de problèmes. Il y a comme des principes cachés mais qui expliquent le monde dans lequel nous vivons. Et c’est pour expliquer le concret, le « réel » que la philosophie se tourne vers l’abstrait. La philosophie va alors manier des idées, les concepts car c'est ce qui permet à l’esprit de comprendre la chose, le trait commun et la généralité. La philosophie a un rapport direct et étroit avec l’abstrait. Philosopher n’est donc pas réfléchir, donner son avis, c’est réfléchir d’une certaine manière : conceptuellement.

- Il faut donc suspendre son jugement ; reconnaître que l’on ne sait pas : une certaine humilité comme Socrate déclarant « Je sais que je ne sais rien ». Mais reconnaître son ignorance pour pouvoir la surmonter (et non pas pour se complaire dans une inculture confortable car me dispensant de réfléchir). L’omniscient, l’érudit complet (Dieu) n’apprends pas puisqu’il sait déjà tout ! Donc savoir que nous sommes ignorants est la condition de la philosophie et de l’apprentissage: c'est son moteur. Moment décisif qui pourra nous amener à la vérité, au savoir. La philosophie est un désir, une aspiration (naturelle chez Aristote) au savoir. La philosophie est alors comme le propre de l’être humain...

 Mais il faut ici répondre aux détracteurs de la philosophie : « La philo ne sert à rien ». D'accord, peut-être (et même sûrement au sens stricte du terme) mais l’homme a un double rapport au monde : pas uniquement matériel, utilitaire, consommateur ou pratique. Mais aussi un rapport désintéressé, intellectuel, spirituel et spéculatif; l'homme est un animal mais pas une bête... De plus, Epicure (Lettre à Ménécée) nous dit que la philosophie nous rend heureux ; savoir bien agir est la condition du bonheur. La philosophie nous dit ce qu’il faut faire ou ne pas faire et comment le faire: c'est l'aspect moral, social et éthique de la philosophie. Il faut sans cesse philosopher pour la bonne santé, de l’âme bien sûr !!

 Ainsi donc, la philosophie n’est pas donnée sans effort : elle nous mène à des connaissances acquises au prix d’interrogations et de curiosités intellectuelles. La philosophie ne relève donc pas de l’immédiat ni du sentiment, de l'inspiration ni du subjectif : rien d’arbitraire. Philosopher n’est pas bavarder, mais réfléchir sur les concepts ; c’est une science des concepts, un travail de concepts. Il faut donc apprendre au moins les pensées des philosophes pour apprendre à penser philosophiquement et avoir les outils pour réfléchir par soi-même, tout comme l'électricien possède un savoir, des outils qu'il doit lui-même et tout seul appliquer afin de résoudre une difficulté particulière.

3 février 2008

Anarchie et contrat social

            Le lien entre anarchisme et contrat social ne va pas, de prime abord, de soi. Mais la philosophie qui, comme l’avait montré et inauguré Platon pour l‘occident, relève de la logique de concepts et découvre les articulations entre les idées, peut éclairer ce rapport et en montrer le caractère nécessaire. Ainsi, le monde dans lequel nous vivons s’éclaire et les contradictions sensibles s’évanouissent. Certes l’histoire et les évènements comptent des exceptions qui ne coïncident pas avec la logique philosophique, mais ne dit-on pas que l’exception confirme la règle ? Cet article n’a pour seule prétention de mettre simplement en évidence le contexte intellectuel et la direction dans laquelle se dirigent nos sociétés contemporaines, à partir de la notion de contrat social.

 Et qu’est-ce que le contrat social sinon la fondation décidée, organisée et constituée d’une société par des individus, permettant à ceux-ci de vivre ensemble et (théoriquement) en paix ? Cette conception de la société, qui est relativement nouvelle, ne se comprend que si l’homme est défini comme un individu. Penchons-nous alors sur le concept d’individu tel que la modernité le conçoit. Pour ce faire, on peut prendre comme point d’appui la philosophie de Rousseau et notamment sa conception de l’homme car elle est remarquablement implanté dans l’esprit de nos contemporains.

 En effet, c’est cet homme isolé, existant avant toute société, qui réside de façon plus ou moins consciente dans les mentalités depuis plus de deux siècles. Le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes pose l’être humain comme originellement solitaire, replié sur lui-même, n’ayant aucun besoin d’autrui. Il en est ainsi, écrit Rousseau, « car les hommes n’ayant nulle correspondance entre eux, ni aucun besoin d’en avoir, […] n’ayant ni maison, ni cabanes, ni propriétés d’aucune espèces, chacun se logeait au hasard, et souvent pour une seule nuit ». Tel est le fameux état de nature, cher à ce rêveur solitaire. Cependant, il s’agit de comprendre pourquoi l’homme se complaît à ses yeux dans la solitude : si l’homme est solitaire, c’est tout simplement qu’il est parfait. Parce qu’il se suffit à lui-même, tel un dieu, il n’a aucunement obligation de se lier à autrui. La condition primitive de l’homme est cet achèvement originel en acte qui le dispense par là même de toute forme de sociabilité. 

 Ce point de départ est très important car de cette conviction de la perfection naturelle de l’être humain découle une conséquence capitale qui, certes, dévie de la philosophie de Rousseau, mais n’en est pas moins nécessaire pour l’intelligence de nos sociétés, à savoir l’hédonisme. En effet, que reste-t-il à espérer à ce « tout parfait et solitaire », pour reprendre une formule du Contrat social ? L’individu moderne actuel, fût-il ignorant de la philosophie rousseauiste, tend logiquement et psychologiquement à devenir jouisseur. Tout devoir être, tout effort pour réaliser une essence est évacué de l’univers contemporain : l’être humain est, de fait, tout ce qu’il doit être. A quoi bon penser, respecter des principes religieux et transcendants, puisque tout individu est la perfection incarnée ? Dès lors, l’heure est à la démesure ou à la dé-mesure ou encore à l’a-mesure… Il est patent que nos sociétés démocratiques actuelles ne sont plus que des sociétés de consommation. Tout ce qui exhorte l’individu à s’améliorer, à savoir la réflexion, la morale est rejeté avec mépris, dédain et haut-le-cœur au profit d’une « culture pub » et de programmes économiques visant à relancer perpétuellement une croissance que Rousseau lui-même aurait désapprouvé et dont on sait très bien qu’elle finira par faire de notre planète un cimetière. Il faudrait plutôt relire ici le portrait, incroyablement d’actualité, de l’homme démocratique établi par Platon au livre VI de La République : « Ils font déjà rentrer d’exil la démesure, le refus de se laisser commander, le libertinage, l’impudence ; […] la démesure, appelée distinction élégante ; le refus de se laisser commander, dignité d’homme libre ; le libertinage, grandes manières ; l’impudence, virilité ».

 Ainsi, il est aisé de deviner le sort réservé à la Cité : elle doit dépérir en même temps que toute loi de la Nature comprise comme une entrave à la liberté de jouir et une injure à l’humanité divinisé. L’esprit anarchique qui sommeille en chacun annihile le principe même de gouvernement qui commanderait au peuple. D’ailleurs, l’idée de contrat social ne présuppose-t-elle pas que nous sommes nés libres de toute entrave ? La société ne peut être qu’artificielle, volontairement consentie, car le terme même de « contrat » implique un état antérieur à tout lien. L’anarchisme est donc bien la pensée, ou le sentiment hérité de l’état originel de solitude (et donc de perfection) qui accouche du contrat social. Et cette idée de contrat social alliée à la vision angélique de l’homme tend à donner naissance à des formes d’association, groupe d’individus dont le but est purement hédoniste. Mais il convient ici de s’arrêter un peu sur ce terme « d’association ».

 Pour bien saisir l’idée, il faut lui donner le sens le plus large possible, allant des hordes, bandes, club, communautés ou pacs, et bien sûr aussi associations au sens commun du terme, jusqu’aux entreprises, aux nations modernes, et finalement au mondialisme qui tend à tout englober. Ce qu’il est essentiel de bien comprendre, c’est l’esprit de ces « associations » qui rassemblent des personnes dans un intérêt purement égoïste et matérialiste. Il ne s’agit pas d’associations traversées par des affinités intellectuelles ou amicales, mais d’une structure essentielle de la société moderne située à l’opposé de la φιλια aristotélicienne. Le terme « association » traduit les liens d’intérêt qui unissent les individus anarchistes dans l’âme. Et la vie de ces « associations » ne se prolongeant pas au-delà de la réalisation du désir pour lequel elles ont été créées : elles sont par nature temporaires. Elle est ce pacte permettant de mettre en pratique la liberté moderne, tout en satisfaisant les besoins hédonistes de tous.

 Ainsi l’individu, évacuant toute notion de vie spirituelle et toute loi transcendante, n’a plus qu’à se tourner vers le monde terrestre, un monde matériel : c’est « le Règne de la Quantité » pour reprendre un titre de René Guénon qui illustre parfaitement le seul univers qui s’impose progressivement et naturellement aux sociétés modernes. Pour preuve, citons simplement le formidable essor de la télévision et sa cohorte d’entreprise publicitaires, qui la fait vivre, ne cessant de pousser à la consommation et de flatter l’individu dans sa passion matérialiste. Donc, et dans une logique individualiste et par conséquent anarchique et hédoniste, les êtres humains ne peuvent avoir la volonté de s’associer qu’en vue de satisfaire des intérêts propres, voire des lubies. Ne discutons point des conséquences éventuellement positives que peuvent parfois effectivement engendrer les associations de tous poils, mais le fondement en est forcément vicié car, en dehors de tout ciment spirituel et référence supra humaine, il ne peut y avoir de moralité. Les bienfaits pouvant en découler ne peuvent, dans la perspective où nous nous plaçons, être qu’accidentelles et de l’ordre de l’exception heureuse.

 Aussi, bien des démarches peuvent sembler suspectes. Est-ce de la charité? Y a-t-il sympathie ? Il ne fait nul doute que ces motifs sont le mobile de certains, mais est-ce la tendance majoritaire? Il est permis d’en douter car il semble plutôt que la sensiblerie ou la solidarité, terme très à la mode, en soient l’unique moteur. L’individu, incapable de souffrir avec l‘indigent, s’identifie à autrui dans son malheur et fait montre d’une fausse bonté propre aux hommes les plus pitoyables dont Descartes nous brosse le portrait à l’article 185 du Traité Des Passions : « Ils sont émus à la pitié plutôt par l’amour qu’ils se portent à eux-mêmes que par celle qu’ils ont pour les autres ». Ces individus s’imaginent que le mal qui touche autrui pourrait aussi bien les atteindre; et les voilà chantant et manifestant pour les plus démunis… Ainsi donc, dans une logique de concepts, ces différentes formes d’association ne peuvent avoir de finalité désintéressées ni objectives. Aussi le monde ne raisonne-t-il qu’à partir du concept de groupe d’intérêts. Mais alors, en ayant cerné l’esprit philosophique de la société contractualise morcelée par les différentes « associations » qui la composent, un problème se dessine à l’horizon: celui de la paix sociale ou tout simplement de la cohésion sociale. Et ce problème nous amène à nous interroger sur l’avenir de nos sociétés gangrenées par l’hédonisme ambiant.

 L’individu est déifié, il n’y a donc plus aucun frein spirituel, plus aucune vertu pour assagir ou tempérer sa passion consommatrice (relire, à nouveau, avec profit La République, livre VIII de Platon, sur l’homme démocratique); comment, dans un tel contexte, pourrait-il s’autolimiter? L’hédonisme ancré chez un individu qui se prend pour un « tout parfait et solitaire » interdit l’espoir de voir une telle société se diriger ne serait-ce que vers un épicurisme réfléchi où l’individu aurait conscience des limites à ne pas franchir. Rappelons que la philosophie d’Épicure n’est pas une incitation à la beuverie permanente ni aux excès gastronomiques et charnels; il s’agit d’une philosophie de la Nature, conçue certes comme un ensemble d‘atomes, mais avant tout comme une norme que tout homme sage doit suivre. Au contraire, l’individu apparaît comme une source de haine.

 Dans ce contexte, il semble qu’il n’y ait que deux chemins possibles, qui peuvent paraître assez proches mais qui philosophiquement sont très différents. Commençons par celui qui paraît conceptuellement improbable. La première voie, que l’on pourrait qualifier d’hobbesienne, serait celle d’un gouvernement fort, ultra puissant, condamnant vigoureusement toute incartade aux lois contractualistes: un gouvernement disposant de la violence légitime, garantissant la paix sociale par la force des matraques. Mais les sociétés contemporaines semblent se détourner inexorablement de cette solution car elle est incompatible avec la pureté ontologique de l’homme que ces sociétés supposent. Les individus ne pensent qu’à une vie hédoniste dans laquelle ils veulent avoir la possibilité, le droit, la liberté de faire et de penser, stricto sensu, n’importe quoi. Dans ces conditions, les gouvernements européens en tête, et mondiaux à la suite (l’OTAN et les droits de l’homme se chargeant de condamner les retardataires…) répugnent à faire régner l’ordre par la force physique. Gardons à l’esprit ce postulat capital: l’homme est un être parfait dès sa naissance. La notion même de faute a d’ailleurs disparu. Le mal est nécessairement extérieur à sa volonté: on a rendu mauvais l’individu; on connaît la ritournelle.

 Aussi une seconde solution paraît-elle lus probable. Elle revêt la forme d’un pouvoir régissant et réglementant les désirs et volontés de chacun. Pour éradiquer l’état de haine et de désordre qu’alimente inévitablement la triade individualisme-anarchisme-hédonisme, l’individu va se trouver écrasé non pas sous le poids des mitraillettes mais sous celui d’une domination monstrueuse dont il ne sentira pas la charge (d’où son caractère monstrueux…). Seulement, une question se dresse : comment d’un anarchisme accompagné d’un hédonisme qui ne souffre aucune contrainte ni limitation pourrait-on aboutir à un pouvoir légiférant outrageusement ? N’y aurait-il pas contradiction ? Celle-ci n’est qu’apparente car une dramatique logique de concepts est sous-jacente. Ce nouveau pouvoir à venir dont nous vivons déjà les prémices va s’instaurer petit à petit et insidieusement. L’absence de contrainte physique de la part de l’État contribuera à l’implantation d’un despotisme administratif.

 De surcroît, un point important est à éclaircir pour saisir complètement la nature et la force de ce nouveau despotisme. La passion hédoniste va pousser les hommes à vouloir ce genre de domination tutélaire, contribuant ainsi eux-mêmes à l’instaurer et la renforcer. Voilà pourquoi le poids de cette influence tentaculaire ne se fera pas sentir. Rappelons un long passage de De la Démocratie en Amérique de Tocqueville qui explique ce terrible pouvoir s’installant dans un contexte : « J’ai dit comment la crainte du désordre et l’amour du bien-être portaient insensiblement les peuples démocratiques à augmenter les attributions du gouvernement central, seul pouvoir qui leur paraisse contre l’anarchie. […] Les hommes qui vivent dans les siècles d’égalité aiment naturellement le pouvoir central et étendent volontiers ses privilèges; mais, s’il arrive que ce même pouvoir représente fidèlement leurs et reproduise exactement leurs instincts, la confiance qu’ils lui portent n’a presque point de borne […] ». Tout est dit ! L’anarchie est vaincue au profit d’un pouvoir administratif. Au diable la liberté qui conduit à finalement une responsabilité lourde à porter et vive l’égalité qui confine dans un confort matérialiste médiocre. Tocqueville ajoute : « Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde : je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits plaisirs, dont-ils emplissent leur âme. […] Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. »

 L’homme démocratique à l’âme anarchiste, le révolutionnaire sacrifiant sa vie pour la République s’avilit peu à peu pour sombrer dans un hédonisme lénifiant : le peuple est prêt à tout accepter du moment qu’il a du pain et des jeux. Il ne reste de lui qu’un être mou, repu de désirs, attendant la prochaine becquée (et vociférant si et seulement si elle arrive un peu tard). Dès lors, il n’y a plus d’anarchisme mais un pouvoir (européen ? Mondial ?) assurant sa domination grâce à la corruption du peuple flatté jusque dans ses plus bas instincts.

 L’anarchisme qui règne encore dans les esprits est donc, dans cette hypothèse, sur le point de disparaître mais sans pour autant laisser place à un avenir radieux. Il ne disparaîtra pas au profit d’une société dans laquelle une force publique s’exercera vigoureusement. Non pour rendre docile l’individu anarchiste qu’il ne s’agit pus de contrôler « par tout le corps », pour parler comme Rousseau, mais pour le réglementer et administrer dans sa vie quotidienne. Tel est semble-t-il le sort réservé à la civilisation occidentale. Car s’il existe des communautés, reconnues comme minoritaires, qui refusent le principe démocratique contractualiste, en manifestant par ailleurs une ferme intention de faire imploser les règles du contrat social en dictant les leurs, il est philosophiquement légitime d’envisager, non la mort de l’humanité, mais celle de notre civilisation occidentale chrétienne. Pour cette dernière, nous ne pouvons qu’espérer un retour à une société établie sur des principes transcendants (c’est-à-dire religieux), donnant toute la valeur et le bien-fondé à la politique et la morale qui furent les nôtres. Souvenons-nous donc de la pensée de Platon pour qui la sociabilité passe par la mesure, la tempérance et une hiérarchie (dans l’âme) où la raison doit commander aux instincts. Cela signifie qu’il ne peut y avoir de Cité digne de ce nom qu’à partir d’un certain ascétisme provenant de l’individu lui-même.

2 février 2008

Les mass media et l'idéologie égalitariste

« La liberté de la presse ne fait pas seulement sentir son pouvoir sur les opinions politiques, mais encore sur toutes les opinions des hommes. Elle ne modifie pas seulement les lois, mais les mœurs. » Voilà ce qu’écrivait Tocqueville dans De la Démocratie en Amérique. C’est dire l’emprise ô combien considérable qu’exercent les moyens de communication de masse sur l’homme. Et que penser lorsqu’il ne s’agit plus uniquement de la liberté de la presse, mais des médias eux-mêmes qui assènent une seule et même pensée ? Car telle est la situation actuelle qui n’a fait que s’aggraver depuis l’époque où Tocqueville écrivait ces lignes. Aussi, pour mieux saisir la puissance démiurgique des moyens de communication de masse, faut-il s’intéresser à son essence.

 

  Débutons par une définition toute simple : les moyens de communication de masse, que les Anglo-saxons appellent mass media, se caractérisent par l’importance de la population qu’ils touchent. Ce n’est donc pas tant l’outil à travers lequel l’information passe mais la quantité de personnes absorbées qui précise un moyen de communication de masse. Ainsi, des journaux ou un site web (suivez mon regard …) peuvent ne pas appartenir aux mass media s’ils ne sont lus que par une poignée d’individus (pour une raison x ou y). A partir de cette définition, se dégage la finalité des moyens de communication de masse : il faut englober, attirer et concerner le plus de monde possible. Comment est-ce possible ? Pour répondre à la question, il convient de découvrir les conditions de possibilité qui fera qu’une radio, qu’une télévision, qu’un journal ou qu’une page web abordera des millions de personnes ; ces conditions peuvent se réduire à une seule, primordiale et essentielle, à savoir le concept moderne d’égalité.

En effet, le concept d’information et de médiatisation à grande échelle est indissociable de l’idée d’égalité révolutionnaire : égalité de droits qui masque une égalité radicale entre les individus : celle des facultés. Cela peut paraître surprenant, mais cela relève de la logique de concept. La volonté de présenter de façon claire à une très grande majorité d’individus les évènements sociaux, politiques, économiques, de leur faire soi-disant comprendre les ressorts de la diplomatie, des conflits internationaux et nationaux, d’expliquer l’histoire, la géologie, la philosophie, la physique et l’astronomie implique l’idéologie égalitariste : il faut que tous comprennent et sachent, car tous ont le droit à l’information ; mais pour que ce droit ne soit pas un vain mot, l’égalité de droits exprime finalement un égalitarisme plus ou moins avoué où tous ont les mêmes capacités intellectuelles. Mais après tout, en quoi est-ce un mal ? N’est-ce pas la vérité que, par nature, règne une égalité physique et intellectuelle entre les hommes ? Enfin quoi ! Hobbes l’a écrit très clairement dans le Léviathan, première partie, chapitre XIII : « La Nature a fait les hommes si égaux pour ce qui est des facultés du corps et de l'esprit que, quoiqu'on puisse trouver parfois un homme manifestement plus fort corporellement, ou d'un esprit plus vif, cependant, tout compte fait, globalement, la différence entre un homme et un autre n'est pas si considérable qu'un homme particulier puisse de là revendiquer pour lui-même un avantage auquel un autre ne puisse prétendre aussi bien que lui. » Personne n’a donc le droit de commander au nom d’une prétendue supériorité physique ou intellectuelle naturelle puisque celle-ci n’existe pas… et Hobbes de poursuivre quelques lignes plus loin : « Et encore, pour ce qui est des facultés de l'esprit, sans compter les arts fondés sur des mots, et surtout cette compétence  qui consiste à procéder selon des règles générales et infaillibles, appelée science, que très peu possèdent, et seulement sur peu de choses, qui n'est ni une faculté innée née avec nous, ni une faculté acquise en s'occupant de quelque chose d'autre, comme la prudence, je trouve une plus grande égalité entre les hommes que l'égalité de force. » Qu’est-ce à dire sinon que les hommes ont les mêmes capacités intellectuelles ? Que les savants, hommes d’esprit ou scientifiques ne doivent leur supériorité qu’à la suite d’un apprentissage spécifique, d’un savoir acquis non pas par expérience mais par apprentissage précis et non d’un quelconque cadeau de la nature. Et lorsqu’une telle différence artificielle existe, elle est au profit d’une minorité de personnes (interdisant alors toute généralisation) et portant sur un domaine très circonstancié. La pensée de Hobbes est très claire et illustre déjà, quelques siècles auparavant, le contexte intellectuel qui est le nôtre: tout le monde, par une culture ou un enseignement approprié pourrait devenir astronome, physicien, écrivain ou je ne sais quoi encore car chacun de nous l’est en puissance.

 

 

 Pour ma part, cette conception de la nature synonyme d’égalité semble relever de l’utopie ou de la douce folie. Car comment nier l’expérience (honnêtement effectuée) d’enfants et d’adultes comprenant plus vite que certains dans les domaines spéculatifs ou d’autres encore étant plus doués et attirés par les travaux manuels. Comment affirmer en toute objectivité et sincérité que n’importe qui aurait pu devenir Einstein, Pascal ou Hubert Reeves… Non, cet état de nature égalitaire semble relever de l’idéologie. Mais qu’est-ce que l’idéologie ? Justement, ériger des idées subjectives en lois de la Nature. Or, les mass média se nourrissent de cette idéologie selon laquelle chacun a le droit à l’information et au soi-disant savoir car nous sommes effectivement nés libres et égaux ; et ils entendent l’imprimer dans tous les cerveaux : l’essence des médias est belle et bien démocratique et « droit de l’hommiste ». Mais par quels pipeaux le vent égalitariste va-t-il souffler ?

 Au XIXème siècle, la prolifération des journaux avait montré le chemin ; puis la TSF et la télévision ont perfectionné le principe. Ces derniers ont pénétré les foyers : le loup était dans la bergerie ; de surcroit, avec la télévision le règne de l’image a fait son apparition, l’image qui fascine, qui endort l’esprit et l’hypnotise. Et depuis quelques années, Internet ; cette toile mondiale qui se donne les moyens de tisser autour de tous les esprits la même information décrétée correcte, même si l’on peut encore faire passer quelque vérité et s’écarter de la police mentale : la censure n’est pas encore tout à fait en place, mais tend à l’être ; quand son histoire ressemblera à celle du journal… Ainsi, les médias sont ces fameux instruments par lesquels la pensée unique, directement liée à l’égalité moderne, se diffuse pour s’ancrer au plus profond des âmes. Ils polissent les esprits et font qu’aucun individu ne puisse sortir du cercle intellectuel tracé par l’égalitarisme.

 Seulement, comme personne ne peut être à la fois historien, économiste, philosophe, astronome et sociologue, les moyens de communication de masse vont alors sélectionner, simplifier, déformer, travestir et donc pervertir la réalité pour la présenter à monsieur tout le monde ; la Vérité et la réflexion profonde ne s’adressent qu’à des élites spécifiques et donc à un petit nombre : elles sont anti-médiatiques et par essence aristocratiques.

 

 Dès lors, cette réalité mystifiée revêt, premièrement, des idées générales, vagues, voire confuses. Ainsi, l’individu lambda peut entendre et comprendre ce qui l’arrange. Plus l’information ou l’idée est diffuse et nébuleuse, moins le contenu sera précis et chacun pourra l’interpréter comme bon lui semble, croyant évidemment posséder le sens exact du message. Les publicitaires et hommes politiques sont les chantres des idées creuses (ou plus précisément des slogans) qui veulent tout dire et ne rien dire à la fois… Et deuxièmement, les mass média dispensent également un discours qui flattent, n’incitant nullement à la méditation ou à l’effort sur soi. La masse est conquise par la facilité et sensible à la flagornerie. Pour plaire à la multitude, il est par exemple préférable de beugler que l’homme est sur terre pour jouir matériellement et égoïstement que de clamer qu’il doit servir et méditer Dieu pour son salut éternel. Voici ce que l’individu démocrate est alors prêt à entendre : du pain et des jeux (ou pour adapter la citation de Juvénal, des hamburgers et du football), de l’argent toujours plus en travaillant toujours moins, vous êtes merveilleux et le délinquant qu’un incompris perverti par la société, croyez en tout ce que vous voudrez, à bas les tabous et les frontières, écoutez votre cœur et votre instinct etc. et la liste n’est pas exhaustive. On comprend ainsi comment les moyens de communication de masse se laissent facilement aller au sensationnel, au morbide, au voyeurisme de toute sorte : ils vont chercher les penchants naturels chez l’homme. L’individu ne doit en aucun cas œuvrer pour s’améliorer ; il faut à tout prix le laisser dans son être par essence médiocre et imparfaite en lui faisait croire qu’il est ainsi un être libéré, ayant le droit de devenir ce que bon lui semble : il est déjà tout ce qu’il doit être, comme disait l’autre. Il est donc évident que les moyens de communication de masse ne peuvent pas éduquer au sens noble du terme, à savoir tirer l’individu vers le haut et corriger les défauts que tout homme possède car inhérent à sa nature. Quand les mass média abusent de la flatterie pour jouer sur l’un des sept péchés capitaux, la vanité. La finalité, rappelons-le, est de plaire au plus grand nombre afin d’assoire son pouvoir, un pouvoir jamais atteint auparavant.

 Ainsi donc, les moyens de communication de masse, inséparables de l’idéologie moderne d’égalité, engendrent un terrorisme intellectuel de par le grand nombre d’âmes flattées qu’ils touchent ; leur signifier qu’ils doivent être éclairés sur n’importe quel domaine et ce sans effort, a pour conséquence l’implantation d’un contexte intellectuel bien borné qui conduit évidemment à la médiocrité et au pourrissement intellectuel. Mais plus grave encore (et c’est ce qui fait leur force) les mass média s’érigent ainsi en garant de la Vérité et décrète ce qui est bien et mal. Ils présentent le visage du défenseur de l’humanité et de leurs droits, de la liberté et de la tolérance grâce aux messages que l’on peut qualifier de démagogues. Mais au-delà de ce cercle intellectuel tracé, il n’y a point de salut. Au final, les mass média ne tolèrent que ce qu’elles ont décrété être tolérable… Aussi devons-nous être fort prudents sur tout moyen médiatique. Les plus récents, une fois contrôlé par les bien-pensants, risquent de donner immanquablement le goût de la mort intellectuelle comme tout autre moyen médiatique d’importance.


30 janvier 2008

La désinformation à l'oeuvre.

Un des gros mensonges de ce moment auquel se livrent les mass media est celui concernant le réchauffement climatique. Entendons-nous bien dès le début; il ne s'agit pas de nier que le climat terrestre se réchauffe (bien que par endroit il se refroidit !) mais de suspecter l'activité humaine comme seule et unique cause. Les recherches scientifiques objectives (non soumises à des lobbies économiques ou au carriérisme) montrent l'incapacité de savoir les causes certaines de l'élévation des températures du globe. Les compétences scientifiques dans le domaine météorologique et plus encore climatique sont très minces car ces domaines sont très complexes. Heureusement, certains scientifiques mènent des recherches sérieuses indépendamment de toutes passions, idées préconçues et à l'abri de tout tapage médiatique. Leurs conclusions scientifiques se trouvent sur certains sites. Inutile de vous dire que ces résultats dérangent... Qui ? Tous ceux qui veulent établir de nouveaux marchés économiques qui peuvent se regrouper sous le terme d'écologie (agriculture biologique, développement durable etc.) ou ceux qui chercher à tirer profit de cette idée (comme les grands noms écologistes qui fument la pipe, se baladent en canoë devant des dizaines de caméras...)
Mais lisez donc par vous-même ces documents; ils sont assez complets (méthode de mesure, outils de mesure, gaz à effet de serre...) et très instructifs pour se faire une idée juste de l'évolution de notre climat et des lacunes qui sont les nôtres pour le mesurer.
http://pagesperso-orange.fr/scmsa/articles/falsification.pdf
http://pagesperso-orange.fr/scmsa/rechauff.pdf

Et un dernier petit article, très bien écrit et sur le ton de l'ironie :
http://www.cawa.fr/la-mystification-du-rechauffement-climatique-article00547.html

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28 janvier 2008

La France raciste

Parlons de tous les racismes et de tous les actes abominables ou taisons-nous.

Il s'agit de faits divers atroces; faits divers concernant des femmes brûlées vives... Et oui dans notre chère société civilisée et démocratique, cela existe encore; moi qui croyais, puisque je crois ce que me disent les mass media (je suis un inculte doublé d'un naïf...), qu'il n'y avait qu'au Moyen-Age que l'on brûlait les gens !
Bref, trois faits divers qui rassemblent trois innocentes victimes de la barbarie humaine laissée au grand jour (pour ne pas dire alimentée) puisque pas de punition ni d'ordre moral. Ces trois victimes s'appellent Mama Galledou, Sohane Benziane et Pascale Rolet.

Or, et par delà l'agression abominable dont ont été victime ces femmes, je voudrais  souligner un point assez troublant et même choquant.  Tout le monde se souvient de cette sénégalaise brûlée par un jet de cocktail molotov alors qu'elle était dans un bus. Ceci s'était passé en 2006. Vous vous souvenez certainement aussi de la pauvre Sohane Benziane puisque c'est la jeune fille brûlée vive dans un local à poubelle en octobre 2002. A sa mort, un millier de personnes ont défilé pour elle dans les rues de Vitry sur Seine, où l'on a posé une plaque et renommé une esplanade à son nom. Pour honorer sa mémoire, en 2003, la "marche des femmes", qui a abouti à la création de l'organisation "ni putes, ni soumises" avait pris Vitry sur Seine comme point de départ. On a aussi baptisé un centre d'animation "Sohane Benziane" dans le quinzième arrondissement de Paris. Le procès de l'agresseur de Sohane Benziane a donné lieu à un immense tapage médiatique.
Mais qui se souvient de Pascale Rolet ???? C'était une infirmière transformée en torche vivante par un certain Samir Zaoui une veille de Noël 2002 ... D'habitude, les mass média sont friands des faits divers à série; ils auraient dû embrayer sur ce même acte horrible après la mort de Sohane (comme l'on nous serine avec les feux de forêts en été ou avec les drames familiaux les soirs de réveillon de Noël) . Mais là aucun échos. Pourquoi ? Son meurtre est tout aussi ignoble et révoltant ! Sur Google.fr, le 21 décembre 2007, une recherche dans les pages francophones au sujet de Pascale Rolet recense 6 pages web; une recherche concernant Sohane Benziane en signale 4 250.
Conclusion : nous vivons dans un pays qui pratique l'inégalité des victimes selon leur race. Le racisme en France (et un peu partout en Europe) c'est lorsqu'un blanc maltraite une personne de couleur; l'inverse n'est pas pensable. Il est impossible de savoir si l'agresseur de Pascale Rolet a été jugé pour son crime. Il n'y a pas eu de marche pour elle, pas de tonitruante manifestation de sympathie. SOS racisme et consort n'ont pas bronché : française, tuée par un arabe, à quelques heures de Noël, sa mort était trop embarrassante pour beaucoup de monde.

26 janvier 2008

Sartre ou la vitrine de notre temps

Réflexion personnelle sur les conséquences de l'existentialisme athée.


    Sartre est-il passé de mode ? Certes non. Bien sûr, on ne monte plus sur des tonneaux pour clamer haut et fort sa rébellion contre la société (non maintenant on écrit des chansons "à texte", on fait des films engagés, on défile dans les rues lorsque les caméras sont présentes, on écrit des livres politiquement incorrects dans des grandes maisons d'édition...), mais la philosophie sartrienne demeure toujours un symbole du contexte intellectuel dans lequel nous vivons. Ce philosophe, essayiste, romancier et auteur de pièces de théâtre fut en son temps adulé et semblerait à présent passé de mode comme toute chose aujourd’hui voué au dieu éphémère. Cependant, est-il un auteur d’une autre époque ? Il suffit d’étudier un tant soit peu sa doctrine philosophique pour répondre que non ; il est même un parfait représentant de la mentalité moderne.

 
    Sartre est un existentialiste. Ce terme n’a rien à voir avec une certaine jeunesse qui passait ses nuits à écouter du jazz dans les caves à Saint-Germain-des-Prés mais renvoie plutôt à une philosophie qu’il convient d’éclaircir. L’existentialisme sartrien est athée : la précision est importante non seulement à ses yeux, mais également pour l’intelligence de sa doctrine. En effet, l’existentialisme athée nie évidemment l’existence de Dieu mais doit en assumer toutes les conséquences. Puisque rien n’est supérieur à l’homme, puisque rien ne lui est transcendant et si aucune essence ne préexiste à l’homme, alors donc il devra logiquement se construire en étant pleinement responsable des ses actes et de ses choix. Et qu’en est-il au niveau de l’individu ? Idem : personne n’a à actualiser ce qu’il est en puissance (pour reprendre un langage aristotélicien). Je ne suis que ce que j’ai choisi d’être. Qu’est-ce à dire ? Que chacun est « projeté » dans l’avenir, à savoir que « l’existence précède l’essence »…

    Ce n’est toujours pas clair ? Effaçons alors ce langage légèrement compliqué et quelque peu tordu pour dévoiler la fade et triste réalité. Le concept d’essence n’existe pas et ce, aussi bien au niveau de l’Homme qu’au niveau de l’individu : ni essence humaine, ni essence individuelle. L’homme n’est rien avant qu’il ne naisse. Il n’y a aucune nature que l’homme devrait accomplir ; le concept d’homme en général est une fiction. Quant à l’individu, il est libéré d’une nature qu’il aurait à accomplir pour être ce que la nature l’a doté. Il doit alors choisir sa vie et se définir perpétuellement. Chacune de ses pensées, chacun de ses actes est une pierre posée à l’édifice de sa propre individualité. La patrie, l’héritage, l’histoire et la nation ne sont rien : seul l’individu et son engagement comptent. Aucun cadre ne vient donc le limiter ni définir l’homme, si ce n’est ses choix libres de toute détermination. Ainsi, sous un vocabulaire complexe, un style compliqué et une littérature imbuvable, Sartre n’est que le porte-drapeau du culte de l’individu. Mais dire que l’homme abstrait est de l’ordre de la fable enfantine et que chacun doit bâtit son avenir est chose à facile ; le vivre l’est beaucoup moins. Tirons-en, à présent, les conséquences pratiques.

Puisque Dieu n’existe pas, l’existence est donc absurde car rien ne définit a priori le pourquoi de l’humanité ; dès lors, l’individu doit se choisir librement. Or, voilà la difficulté. L’homme est absolument libre, il est « condamné à être libre ». Tel est le paradoxe que reconnaît Sartre et tel est celui de la modernité : une liberté sans barrière qui nous pousse continuellement à agir et à faire ce que bon nous semble. Seulement, l’individu en se façonnant construit également, par ses propres choix, l’humanité : « l’existentialisme est un humanisme ». Puisque l’homme est délaissé, l’individu a tout à construire. De ce fait, chaque engagement de ma part engage celui de l’humanité entière. Dès lors, la liberté de se choisir implique l’avenir de tous les hommes ; les conséquences de nos décisions tracent la voie sur laquelle l’humanité s’aventure. Nous sommes responsables de nos actes devant les autres et non plus devant Dieu. De l’existentialisme athée découle alors une liberté obligée et permanente par laquelle l’humanité est édifiée et dont on se demande si elle ne finit pas par constituer son être (rappelons que l’homme EST liberté)… Mais comment supporter le poids d’une telle responsabilité ?

  Soit l’homme use de sa liberté pour lui-même et se refuse à admettre que ses choix engagent aussi l’humanité : c’est ce que Sartre nomme la mauvaise foi (et c’est une certaine critique du libéralisme) ; soit l’homme est saisi d’angoisse car il prend conscience que sa démarche implique l’humanité toute entière. Il faut alors recourir à un socialisme fortement teinté de communisme pour définir une humanité unie et construire ensemble une Histoire. En effet, il faut unir tous les hommes dans une seule volonté et une seule destination commune pour que les libertés ne s’opposent pas entre elles. Cette seconde voie est celle que Sartre adopta en fondant le journal Libération et en déclarant, en 1952, que « tout anticommuniste est un chien » !

Ainsi éclairés sur l’existentialisme athée, la parenté entre notre société et la philosophie sartrienne est éclatante. Le monde contemporain ne cherche-t-il pas l’égalitarisme et n’impose-t-il pas à toute la planète une destination unique, celle de l’économisme ? Les grandes consciences ne placent-elles pas le progrès et la « moralité » dans le socialisme ? Ne faut-il pas toujours plus de social ? Entendez par-là des conditions de vie matérielle quasi identiques pour tous et un partage des mêmes valeurs (qui ne peuvent être que communistes puisqu’il faut que tous les partagent !)… L’unique moyen pour vivre sans Dieu et donc dans l’absolue gratuité est cette abominable idéologie communiste, dont Sartre n’est qu’un des multiples visages.

26 janvier 2008

La leçon du Petit Prince

Voici un petit article que j'avais publié il y a une dizaine d'années dans un périodique très politiquement incorrect (il n'est pas à tendance démocratique, chut !) sur la pensée véritable de ce fameux livre autant connu que mal compris qu'est Le Petit Prince.

Qui ne connaît Le Petit Prince ? La célèbre phrase « Dessine-moi un mouton » est passée à la postérité. Mais qui connaît la substantifique moelle se cachant derrière cette petite histoire ? Assurément peu la comprennent en ces temps individualistes et matérialistes.

Saint-Exupéry déplore la société économique dans laquelle il vit (et oui, elle existait déjà…) Cette société, où règne l’individualisme et d’où découle le pragmatisme, le conformisme, l’absence cruelle d’imagination, la cupidité et la soif de pouvoir, est décriée au travers d’une multitude de symboles (comme les baobabs représentant l’égocentrisme et l’ambition démesurée de l’homme moderne). Sous le couvert d’une anodine fable enfantine, Saint-Exupéry expose donc sa vision amère d’un monde dans lequel les hommes s’ignorent et s’isolent. Pour parodier La boétie, l’auteur aurait pu écrire De la « Solitude » Volontaire

 A cela cet aviateur-écrivain oppose comme remède la nécessité de l’amitié ; une amitié source de différence et anti-égalitaire (n’en déplaise aux gauchistes bien-pensants) : « Ce n’était qu’un renard semblable à cent mille autres. Mais j’en ai fait un ami, et il est maintenant unique au monde. » Cette amitié qui se traduit dans des rites, des coutumes rendant la vie gaie et joyeuse, a pour fondement une certaine spiritualité. En effet, l’amitié ne s’attache pas aux choses visibles, au matériel ; l’amitié véritable est d’ordre supérieur : « On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. » Ce qui doit unir les hommes n’est donc pas leur compte en banque, ni leurs goûts ou leur couleur, mais leur beauté intérieure, leur personnalité, leur essence. Aussi cette amitié profonde et transcendante (la seule valable) est-elle primordiale (« C’est bien d’avoir un ami, même si l’on va mourir ») car elle est l’unique sédiment social.

 Voilà la leçon aristotélicienne que l’on peut tirer de ce livre apparemment naïf et que la démocratie actuelle ne sait ou ne veut qu’ignorer. Mais à l’heure de l’individualisme, de l’économie sauvage, du progrès illimité et déraisonné qui tuent l’amitié, c’est bien compréhensible.

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